L’Afrique antique a toujours été mystérieuse. Les femmes, pour plaire à un homme, le conserver ou le dompter, faisaient parfois recours à des sciences ésotériques. Ainsi peuvent-elles utiliser une pierre, du miel, un baya ou tout autre produit pour influencer leur relation.

Pour parler de ce sujet, j’ai fait appel à madame Bintou Kandia Kouyaté épouse Diakité, mariée et mère de trois enfants. De la lignée des griots, c’est au Mali qu’elle a été initiée à des secret dont le but est de stabiliser la vie des couples. C’est une grand-mère d’une autre caste qui l’a enseignée.

J’ai rencontré Bintou pour la première fois le 16 septembre 2016, alors que l’écrivain Isaïe Biton Koulibaly nous invitait tous les deux à Moossou, à une sortie détente qui a vu la participation de son cercle d’aficionados.

Au cours de cette sortie, Bintou, venue fraîchement de la France, s’est entretenue avec l’auditoire sur l’héritage qu’elle a reçue de ses parents de Kayes. Elle a parlé aux femmes, leur disant que beaucoup d’entre elles vivent des complications dans leur foyer et ne font rien pour congédier le mauvais sort alors que Dieu a mis les solutions à tous leurs problèmes, dans la nature. Bintou leur a présenté certaines pierres, des bayas, du miel spécifique, de l’encens, des parfums et autres produits aux bénéfiques magiques. Une femme chrétienne, présente à l’évènement, a pris la parole en donnant son avis sur la question :

« c’est du mysticisme, ce que vous nous présentez et on ne peut pas accepter ça. Ma religion chrétienne nous l’interdit formellement… »

Je me souviens que Bintou a répondu de la sorte à la frondeuse :

« moi aussi je suis croyante madame, et nous sommes de différentes confessions qui nous sommes retrouvés ici, liés tous au seul cordon ombilical qui est Dieu. N’est-ce pas Lui qui a fait la forêt, les arbres, les plantes, les abeilles et le miel ? Croyez-vous que ce soit fortuit si Le Créateur a mis un pouvoir dans les choses que Lui-même a créées ? Eh bien, c’est pour que nous puissions en faire usage à toute fin utile. Je ne suis pas là pour faire de la polémique. Je suis là pour vous parler de ce que l’Afrique m’a donné, de ce que l’Afrique m’a enseigné… »

Isaïe Biton Koulibaly, lui-même chrétien, n’a pas été pour autant hostile à l’invitation de Bintou. Il a pris la parole et les entretiens ont ensuite continué dans le calme.

L’Afrique a donné à Bintou Kandia Kouyaté le pouvoir d’agir sur des situations, dans les vies de couple. Des années après notre rencontre de Moossou et pour la culture des abonnés de Gbich, je l’ai contactée pour une interview, afin qu’elle nous parle de ses activités.

• Bonjour Bintou Kandia. Comment appelle-t-on votre métier. Parlez-nous de vous et de ce que vous faites.
• Tout d’abord je m’appelle Bintou Kandia Kouyaté, mais toutes mes clientes m’appellent tendrement Tata Touny, parce que généralement chez nous, ce sont les femmes d’un certain âge qui font ce métier alors que je suis moi, âgée de 38 ans…

Je suis malienne, mariée et maman de trois enfants. Mon métier a un nom. Nous sommes communément appelés Les magnonmaguans, c’est à dire  »La femme qui initie la nouvelle mariée ».

Dans le temps, les jeunes filles se mariaient vierges, donc ne connaissaient rien de la sexualité. Les vielles femmes appelées magnonmaguans étaient là pour les préparer à intégrer leur chambre nuptiale. Elles cuisinaient des plats à base de SECRETS pour aider la nouvelle mariée à bien lubrifier afin qu’elle n’ait pas mal lors de sa première expérience. Ces secrets contribuaient aussi à rendre ces femmes désirables aux yeux de leurs maris. Car parfois c’était des mariages arrangés entre les familles où il n’y avait pas forcément d’amour. Les secrets faisaient régner naturellement l’amour.

C’est à cela que j’ai été initiée. Les produits que j’utilise viennent de chez moi, le Mali. Ils sont fait traditionnellement avec du beurre de karité, du miel, parfum, encens etc..

• Vous êtes donc une rescapée des secrets ésotériques, vu que ces pratiques ont tendance à disparaître. Vous êtes toujours entre deux avions. Bon signe. Où résidez-vous. Que vous a apportez concrètement votre métier.
• Je vis entre la France, la Côte d’Ivoire et le Mali. Mais je parcours aussi une multitude d’autres pays. Je suis nomade et aime voyager de nature. La vente des secrets de femme m’a d’abord apporté la stabilité financière. Grâce à ce commerce, j’ai pu ouvrir une grande boutique de prêt à porter au Mali, en 2007. Et en plus de cela, la satisfaction morale est mon plus grand cadeau, ma plus grande joie par le fait de savoir que mon aide apporte la symbiose, la paix dans beaucoup de couples où régnaient le désordre et les tempêtes. Grâce à mes secrets, beaucoup de femmes ont pu éviter le divorce et ça me rend fière.
• Peut-on avoir une idée de vos produits et de leurs effets.

J’en ai une vingtaine que je classe par kit. Y a des kits sexe dont une catégorie s’appelle par exemple le  »djoukêli sweet », des kits chance, des kits de désenvoûtement, des kits de commerce etc.

• Quels sont les résultats de votre collaboration avec les femmes qui vous sollicitent. Vous souvenez-vous d’une cliente qui vous a particulièrement marquée ? Et se montrent-elles généralement reconnaissantes après avoir bénéficié de vos services ?
• Beaucoup de femmes qui étaient au bord du divorce ont vu les liens de leur relation se renforcer. Je ne peux pas compter le nombre de celles que j’ai aidées. Ce sont des centaines.

Une cliente de  »secret » n’est jamais reconnaissante. Dès que ça va, elle t’oublie. Il y a une qui s’est mariée sans me dire, alors que nous avons conjugué nos efforts ensemble. Il y en a même à qui j’ai fait crédit, mais après avoir trouvé la paix dans leurs foyers, n’ont plus du tout payer leurs dettes. Une cliente qui m’a particulièrement marquée ? C’est une femme ivoirienne qui vivait en Tunisie avec son mari… Cadre à abidjan, elle a laissé son boulot, devenue femme au foyer, après avoir suivi son mari affecté en Tunisie.. Ils ont eu trois enfants ensemble. La première fois qu’elle m’a écrit, le monsieur avait déjà introduit les papiers du divorce. Grâce au travail que j’ai fait pour elle, leur couple s’est solidifié, et l’homme a même offert une belle voiture à sa femme pour lui témoigner son affection.

( Notons que je change le nom des pays où résident les femmes aidées par Bintou afin de garder leur confidentialité. )

Deuxième partie de l’échange dans une prochaine publication.

Louis-César BANCÉ

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