Soleil Zoko avait conquis l’Europe avec son immense carrière de footballeur professionnelle auréolée des trophées les plus sommitaux. Fierté africaine, aucune cérémonie d’envergure à l’honneur du football mondial n’était organisée sans que sa présence ne fût réclamée. Soleil avait réussi à inscrire son nom, en lettres d’or, dans le panthéon du Sport mondial. Oh, pourquoi ce brillant athlète n’était-il pas né blanc ? s’interrogeaient les Occidentaux en se mordant les doigts et en s’imaginant combien ils lui auraient rendu toute sa grandeur en lui confiant des postes de responsabilité dans leurs pays. On aurait pu, par exemple, le hisser à la tête d’une fédération de foot dans l’un de ces pays ou lui donner les rênes d’un grand club européen !
      
Soleil Zoko, avec en cœur de servir son pays et l’Afrique, rentra chez lui, à Djagaboda. Le peuple accueillit avec ferveur son intention de se présenter à la présidence de la Fédération Nationale de Football. Quelle chance ! Du pain bénit ! Cependant, il y avait autant que lui, trois challengers qui voulaient également détenir le gouvernail de la fédération de football. Ces trois challengers dont les noms ne pesaient pas un grain de riz avait toutefois l’avantage de peser lourd au sein du panier à crabes des votants. Ces électeurs, constitués des présidents de clubs, étaient à l’image d’un cartel, une véritable confrérie de sorciers. Avant le jour du vote, ils adhérèrent à la cause des adversaires de Soleil Zoko, impassibles devant l’approche de ce fils prodige du pays. Les populations en étaient choquées, elles qui se disaient que la norme aurait été qu’on déployât, sans compromis, le tapis rouge à l’ex-footballeur international.

Le chef de l’État suivait avec beaucoup d’intérêt cette élection qui se profilait. Un jour, son chef de protocole attira son attention :

– Monsieur le président, vous qui n’aimez pas faire d’ingérence dans les affaires qui n’émanent pas de votre ressort, ne serait-il pas sage de parler aux candidats à la présidence de la fédération de football, pour l’intérêt supérieur de la nation ?

– Et qu’est-ce que je devrais leur dire, LCB ?

– Vous pourriez faire asseoir les adversaires de Soleil Zoko et leur dire de faire un consensus autour de sa personne. D’ailleurs je ne crois pas qu’on pourrait appeler cela une ingérence. En tant que premier citoyen de la nation à l’esprit avisé, ce serait juste un conseil que vous prodiguiez. Nous vivons une situation exceptionnelle face à laquelle le chef que vous êtes pourriez donner l’orientation idoine, celle que le peuple espère. Malheureusement ce peuple n’est pas un acteur du vote, même si sans lui il ne saurait y avoir de football. Soleil Zoko est une chance pour notre pays. Il fera resplendir notre sport, rien que par son nom et son aura. Il part défavorisé par le choix de la majorité des votants du panier à crabes. Monsieur le président, réunissez ses trois adversaires et parlez-leur. Même si un ou deux d’entre eux décident d’entendre raison en s’alignant à côté de lui, ce sera déjà une force et un pas vers sa victoire. Quand on a une égérie nationale de la trempe de Soleil, nous devons œuvrer à profiter de ses rayons ! On ne piétine pas un symbole, on le cajole avec amour…

– LCB ?

– Oui, monsieur le président.

– Je préfère les batailles à la loyal, et tu sais combien de fois on m’a fait des crocs-en-jambe avant que je n’accède à la magistrature surprême.

– Je vous comprends, monsieur le président. Mais un homme politique, qui ne fait pas l’unanimité dans son peuple, est-il comparable à un artiste en qui tout un pays se reconnait ?

– Veux-tu me dire par là que je ne suis aimé que par les gens du nord ?

– Je suis juste en train de vous dire que Soleil Zoko est aimé du nord au sud, de l’est à l’ouest…
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L’élection à la présidence de la fédération nationale se joua à Djagaboda, et comme il fallait le prévoir, les mange-mil du panier des votants, offrirent majoritairement leur suffrage à l’un des adversaires de Soleil Zoko, laissant tout un peuple en deuil du nord au sud de l’est à l’ouest. Au lieu d’un SOLEIL, des crabes avaient préféré élire une BILLE ! Eh oui, chez nous à Djagaboda, c’est comme ça, comme dans ces villages vénéneux où les sorciers préfèrent les ténèbres à la lumière !🥺😥

Louis-César BANCÉ