J’ai accumulé une tonne de fatigue après avoir conduit plusieurs kilomètres. Il est 18 heures passées quand j’arrive dans la ville de Katiola. Mon esprit et ma concentration affaiblis derrière le volant, le repos s’impose. Demain, je pourrai continuer mon chemin, revigoré. Je me renseigne auprès des résidents, leur demandant la situation géographique d’un hôtel de fortune. Oh, pas que j’ai l’escarcelle vide. Je ne veux simplement pas dépenser assez pour si peu. Juste me reposer, dans un coin modeste, et partir à l’aube. Je me restaure dans un maquis, puis me rend à l’hôtel  »Nonsongon Daffa », qu’on m’a indiqué. C’est le plus abordable de Katiola, m’a-t-on dit. J’y suis à 22 heures. La gérante, une jeune fille de la trentaine débordant de rondeurs, me mène dans une chambre. La chambre 15. Elle ouvre et m’installe en me donnant la clé. Je boude. Je trouve le cadre pas commode. Délabré. Un vieux lit. Un mur et une douche sales. Un ventilateur qui fait trop de bruit. Je me rappelle avoir dormi un jour à Gagnoa, dans un hôtel. La chambre n’avait rien de celle-là. Bon Dieu, je veux bien aller ailleurs, mais pas ici. Je le fais savoir à ma guide :

– «Désolé, mais ça n’a pas l’air propre du tout ici hein ? En plus je regarde partout, et vous n’avez même pas de tongues !»

– «C’est quoi, des tongues ? me demande la gérante. »

– «Des tapettes. »

– «On peut vous en apporter. Les gens nous les volent tellement après leur passage qu’on a décidé de ne plus en mettre dans les chambres. »

– «Ce n’est pas là le souci. Je trouve la chambre bizarre. Beaucoup trop bizarre. C’est possible que vous me remboursiez ? Je ne veux pas dormir ici. »

La jeune fille a déjà empoché mon argent, 6000 francs que j’ai payés pour la nuit. J’aurais dû visiter ses  »enclos » avant de m’y engager. Elle me regarde, l’air un peu déçu. J’ai peur qu’elle ne veuille pas me restituer mon dû. Dieu merci, elle se montre compréhensible :

– «Pas de quoi, on peut vous rembourser. Mais je suggère que vous dormiez ici, me dit-elle en me souriant. »

– «Je trouve que la chambre est laide, je vous ai dit. Toutes les crèches sont comme ça ici ?»

– «Oui monsieur Luc-Cédrick Béké.»

– «Comment vous avez su mon nom ? m’enquis-je tout éberlué. »

– «Oh là ! Votre carte d’identité lors de votre enregistrement. »

– «Haha j’avais oublié…»

– «Je vous disais alors que vous feriez bien de rester ici pour la nuit. Parce que chez nous, vous pourriez avoir droit à un service supplémentaire, qui n’a rien à voir avec le droit d’accès à votre chambre. Nous vous l’offrions gratuitement. »

– «Je ne comprends pas ma sœur. Qu’appelez-vous service supplémentaire ?»

– «Dormez ici, et vous aurez droit à une bonne pipe. Gratos. Ça vous dit ?»

Je tressaillis. Mon cœur accélère dans son battement. J’essaie de cacher mon agitation. La gérante rebondit face à mon silence qui dissimule mal mon effervescence :

– «Alors ?»

– «Alors, euh… Et qui s’en chargerait ? fais-je comme un nigaud. »

– «Vous n’aimez pas mes lèvres ?»

Je souris, et lui dis :

– «Désolé de vous avoir appelé  »Ma sœur ». »

– «Pas de quoi. Maintenant détendez-vous et prenez une bonne douche, le temps que j’arrive. Je vais me faire relayer par ma collègue au comptoir. À toute ?»

– «Oui bébé…»

Elle claque la porte derrière moi et s’en va avec ses fesses qui dansent le ziglibity dans sa jupe moulante. Je m’étends un peu sur le lit et cogite : « Walaye, cet hôtel-là est plus propre et luxueux que l’hôtel ivoire ! »

Louis-César BANCÉ