J’apprends que ce 10 mars, au Collège Moderne du Gomon, à Sikensi, un élève a porté main à son éducatrice en état de grossesse. Cette dernière lui a juste demandé de fourrer sa chemise scolaire dans son pantalon comme cela est recommandé dans l’établissement, et plutôt que d’obtempérer, l’élève s’est rebellé en donnant des gifles à la pédagogue. Une plainte ayant été portée contre le collégien, il s’est retrouvé dans les mailles de la gendarmerie.
J’aimerais profiter de cette énième bévue dans la sphère de notre système scolaire, pour rendre hommage à madame Soro, l’éducatrice du Collège Moderne d’Adjamé du temps où j’étais élève au CMA, et à travers elle, tous les pédagogues qui œuvrent avec détermination et passion à l’encadrement des apprenants.
Au CMA, madame Soro n’était pas qu’une éducatrice. C’était une mère pour tous les élèves. Venez à l’école avec une coiffure bizarre, elle vous prendra par le col en vous sermonnant devant toute la classe et en vous obligeant les minutes qui suivent, à aller faire omali coco taillé. Elle ne se gênerait même pas de se servir d’une lame, de mouiller votre tête avec de l’eau et du savon, en procédant elle-même à vous faire la bille belle. Pendant ce temps, vous, élève, n’oseriez broncher. Parce que vous aviez conscience de l’autorité suprême qu’elle représentait pour vous, et le respect indéniable que vous lui deviez en conséquence, était sans ambages. Les Éducateurs d’une certaine époque avaient la même influence que madame Soro, et les élèves étaient d’une politesse inouïe. Que les temps ont changé !
Aujourd’hui, un élève se permet de frapper son éducatrice. Nous tombons des nues. Je crois que la base de tous ces écarts de conduite est notre éducation de base. Quelle est l’éducation dont bénéficient les enfants à la maison, dans leurs familles respectives avant de se déporter dans un milieu scolaire et se frotter à d’autres personnes dans la société ?
Aujourd’hui, les parents n’ont plus d’autorité sur les enfants. Les rôles sont inversés. Dans certaines familles, les enfants, brouteurs, sont ceux qui tiennent la maison, devenus les parents au détriment de leurs parents rétrogradés en mioches. Les jeunes filles de 16 ans, trop tôt devenues des gos de l’allée, sont celles qui offrent le petit déjeuner à leurs mamans qui n’ont que pour seul projet de société d’avoir plusieurs «beaux des beaux» grâce à qui elles pourraient mener une vie de yéyé. Le sens de la responsabilité des parents n’est plus de mise. C’est pour cela qu’un élève peut donner une claque à son éducatrice ou venir avec un fusil de chasse en classe pour menacer son professeur. Ayiwah !
Si l’éducation de l’enfant à la maison est ratée, comment pourrait-il être exemplaire pour les gens de dehors ? On ne donne que ce qu’on a reçu. La dernière fois, un homme d’une cinquantaine d’années, dans une voiture de luxe, est venu chercher la fille de ma voisine. La fille, élève en classe de seconde, est montée dans le véhicule sous le regard attendri de sa mère qui lui a apporté quelques cahiers de cours en lui disant : « Ma fille, mon beau-là est trop gentil. Il faut lui faire les vrais trucs, mets-le très très bien. Faut savoir bien lui tutoyer le pontife hein, parce que façon les hommes aiment ça ! Et quand vous finissez de vous enjailler, révise un peu tes leçons parce que lundi y a cours… » Le lundi à l’école, après un week-end dans une résidence meublée en train de fumer et se doper pour certains, et après un maplôrly payé avec des sugars daddys pour d’autres, normal qu’on vienne gifler son éducatrice dont le rôle est juste de nous donner des leçons de conduite. Notre société part en dérive, l’éducation de nos enfants en plein chavirement. Comment leur inculquer de vraies valeurs et réussir à faire d’eux des modèles ?
Louis-César BANCÉ