Guédé Mathurin, citoyen ivoirien de 48 ans, domicilié à Yopougon Gesco, est au chômage depuis sa sortie d’Université avec un doctorat dans la poche. Trente ans d’errance en quête d’emploi ! Quelle souffrance ! De toute façon, Guédé a fini par être habitué, à digérer sa situation…
Et ce 4 Avril 2021, il avait une bonne nouvelle à annoncer à sa mère, vendeuse de porc à Gabriel gare. Arrivant sur la table de sa madré occupée à lire un article sur son téléphone, Guédé, d’une voix enjouée, lâcha :
- «Maman, j’ai enfin eu du travail !»
- «Whaooo bravo ! Et qu’est-ce que c’est ?»
- «Maman, je suis devenu ropéro.»
- «Ropéro ? C’est quoi ça ?»
- «Ropéro, c’est homme de main, homme de confiance. Tu vois le footballeur que je suis au quartier depuis qu’il est en vacances là non…»
- «Qui ça, le petit de 19 ans là, bancale-là, fils de la voisine Pélagie Dacoury ancienne vendeuse d’attiéké là ?
- Oui c’est bien lui.»
- «Donc tu es son ropéro, son homme de confiance, c’est-à-dire ?»
- «Maman, il a l’argent dèh. Il m’a donné 10.000 aujourd’hui. Voici ça regarde. Nouveau billet cohan ! Et puis, quand je prends son sac-là, les gens m’envient comme ça. C’est moi il envoie pour aller acheter toutes ses choses !»
- «Le fils de Pélagie là, si ce n’était pas ballon il allait réussir dans quoi ? Il était toujours dernier de la classe ! Et puis aujourd’hui c’est toi mon fils, niveau doctorat, qui va devenir son ropéro, et tu en es fier ? On dirait que le chômage ne te fait pas prendre conscience que tu vieillis hein ! Que tu t’abrutis hein !»
- «Maman, il n’est jamais trop tard. Un jour ça va aller. Ça commence à aller déjà.»
- «Fhum ! Regarde mon téléphone, je lisais cet article de LCB. Il est dit que ce 4 Avril 2021, Vjosa Osmani-Sadriu, une jeune femme kossove, est devenu présidente de la République du Kossovo alors qu’elle n’a que 38 ans ! Quand elle avait 27 ans elle était présidente de l’Assemblée nationale. Et toi jusqu’à présent tu es encore dans salon de tes parents. Koh ropéro, tu n’as pas honte ?»
Une voiture de marque Audi TT klaxonna sur le trottoir. C’était le footballeur au volant hélant son homme de main :
- «Mon petit Guédé, je te cherchais partout là, viens tu vas faire une course administrative pour moi !
Tout honteux, Guédé s'en allait en direction de l'athlète. Avant qu'il ne tourne le dos, sa mère lui avait arraché férocement les 10.000 francs qui pendaient entre ses doigts...»
Louis-César BANCÉ