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JE SUIS TOMBÉE AMOUREUSE D’UN FOU AU GUICHET AUTOMATIQUE

JE SUIS TOMBÉE AMOUREUSE D’UN FOU AU GUICHET AUTOMATIQUE

L’amour est parfois bizarre, et tel que Pat Sako d’Espoir 2000 l’a chanté, on peut le croiser à l’Ivoire ou dans un endroit de fortune comme le marché d’Adjamé. Mais on peut aussi le croiser devant un guichet automatique comme ce fut le cas pour moi.

J’ai besoin d’effectuer un retrait ce soir-là. Je me rends au guichet automatique de ma banque située dans un coin de la Riviéra Palmeraie. Bizarrement, toutes mes tentatives avec ma carte magnétique butent sur des échecs. Pourtant, j’ai bel et bien un peu d’argent dans mon compte. Soudain, un fou apparaît derrière moi, et les bras croisés, il m’observe sans rien dire. Sans m’occuper de lui non plus, je continue à glisser ma carte de débit afin que la machine vomisse enfin de l’argent. Toujours rien. Et comme le fou se tient toujours derrière moi, embarrassée, je suis bien contrainte de m’adresser à lui comme si je le fais avec quelqu’un de normal :

  • Bonsoir monsieur. Vous désirez ?
  • Après vous, madame, quand vous aurez fini. Je viens pour un retrait…
  • Haha désolée ! m’exclamai-je toute surprise en me disant intérieurement que ce fou ne sait pas ce qu’il dit de même qu’il ne peut savoir à quoi sert un guichet automatique.

Je m’efface en lui permettant de s’approcher de la machine, persuadée qu’il va faire quelque chose de fou, de ouf. Je me tiens à un mètre, observant les gestes de ce malade mental dont les vêtements sont d’une puanteur exécrable. Son pantalon déchiré et sa chemise en hailllon n’ont de couleur que la saleté. Sa chemise, il ne l’a pas portée, il l’a juste accrochée à une épaule, laissant voir son torse nu rempli d’une forêt de poils. Notre fou ne porte pas de chaussure. Il est plein de barbe et ses cheveux crépus ont l’air d’être un assemblage de mouches calcinées. Je le regarde dans ses mouvements quand tout à coup, il sort une carte magnétique de l’une de ses poches en l’introduisant dans la cavité de l’appareil bancaire. Étonnant ! il saisit un code, puis un montant, et l’instant qui suit, une multitude de billets craquants se déversent dans la caisse. Il les ramasse, et s’avance vers moi pendant que je me pose mille questions à son sujet.

  • J’ai vu tout à l’heure que vous aviez des problèmes à faire un retrait, me dit-il en s’arrêtant devant moi. Combien comptiez-vous retirer ?

Jusque-là, le fou s’exprime de façon cohérente. Son usage de l’imparfait dans ses phrases est parfait ainsi que sa maîtrise du vouvoiement. Tout ça me sidère. Quel fou étrange !

  • Euh… Je suis venue retirer 15.000 francs, lui répondis-je en me surprenant de lui accorder un peu de considération.
  • Quinze mille francs seulement ? interroge-t-il exclamatif en continuant ses propos. Je ne sais pas ce que vous comptiez en faire, mais bon, comme vous avez des problèmes avec votre carte, je veux bien vous donner ceci…

Le fou me tend des liasses de billets, que je recueille dans ma main, inerte comme une statue. Il s’éloigne ensuite de moi en se dirigeant vers la route. Je regarde l’argent sans y croire : presque 300.000 francs. La somme est énorme. Je l’empoche dans mon sac à main et cours dans sa direction. Il est sur le point d’entrer dans un restaurant quand je l’accoste :

  • Je tiens à vous dire merci. On ne sait même pas présenter. Je suis Florence, et vous ?
  • Joël Tanoh.

Je suis partie chez moi avec l’image de mon bienfaiteur gravée indélébilement dans mon esprit. Tout est si cohérent en lui que je me demande si c’est moi qui ne suis pas folle en trouvant ce fou trop normal. Jamais on ne m’a remis une somme d’argent aussi volumineuse. Avec ça, j’ai pu régler tous les petits problèmes qui me tenaillaient : mes mois d’arriéré de loyer et de scolarité ainsi que quelques petites dettes contractées auprès de certaines amies. Depuis lors, je pense incessamment à Joël Tanoh, le fou énigmatique. La nuit, je le vois dans tous mes rêves. Il n’y a pas un jour qui passe sans que je ne pense à lui et du coup je m’en veux de ne lui avoir pas demandé comment le joindre et où le retrouver. Je crois que je suis tombée amoureuse de ce fou du guichet automatique…

Plusieurs fois je me rends au guichet automatique, l’endroit où nous nous sommes rencontrés pour la première fois, en espérant pouvoir revoir Joël. Un jour, j’ai heureusement la chance. Pendant que je m’approche de la machine bancaire, le fou est en train de faire un retrait. Quand il finit son opération, il se retourne et à ma vue, s’arrête, m’observe :

  • Vous vous souvenez de moi ? le questionnai-je toute heureuse. Je suis Florence. Vous m’avez remis 300.000 francs il y a deux semaines…
  • Florence, je vois. Tenez encore, mettez ça sur vous.

Je saisis les liasses de billets que Joël me tend tout en s’éloignant de moi. Je le suis au pas de course :

  • Qui êtes-vous ? Je veux vous connaître. Peut-être que vous avez besoin d’aide ? Dites-moi, comment vous retrouver ? Où habitez-vous ?
  • Florence, avez-vous déjà vu un fou qui a un logement ?
  • Oh mais, même si ce n’est pas une maison, les fous ont quand même, généralement, un quartier général…
  • Ah je vois, Florence. Quant à moi je plane dans la nature. Et il m’arrive de crècher sous un hangar en face du marché de la Palmeraie.
  • D’accord. Vous avez aussi un téléphone ?
  • Florence, c’est fou de penser qu’un fou pourrait en avoir, non ?
  • Joël je vous en prie, venez chez moi. Vous y prendrez une douche, et je vous ferai aussi à manger…
  • Je n’ai pas le droit de prendre une douche, Florence.
  • Et pourquoi ?
  • C’est trop complexe. À une prochaine fois ! Et si un jour vous avez besoin d’aide, je serai toujours là pour vous.

Joël Tanoh me fausse compagnie, et je le suis en catimini. Il se rend dans un restaurant, et de loin, je le vois en train de manger un repas normal, comme vous et moi en mangeons. Non, ce fou ne mange pas dans les poubelles. D’où lui vient sa carte magnétique avec autant d’argent là-dedans ? Quand il sort de l’espace de restauration, j’approche la tenancière pour avoir des informations. Elle ne m’apprend pas davantage que je ne suis parvenue à imaginer : Joël est un fou atypique, qui est très généreux. Quand il vient dans son coin tous les clients qui s’y trouvent sont heureux parce qu’il leur offre le repas, quel que soit leur nombre…

À la maison, je n’ai de cesse de penser à mon fou. Je ne crois pas que ce sont ses aides financières qui ont stimulé mon attachement à sa personne. C’est bizarre, mais j’ai l’impression d’être tombée tout naturellement amoureuse de lui. Il a sûrement besoin d’aide pour retrouver sa lucidité, mais comment puis-je me rendre utile pour lui ? Joël a pleine conscience de son état. J’en veux pour preuve la réponse qu’il m’a donnée quand je l’ai invité à prendre un bain : « Je n’ai pas le droit de prendre une douche, Florence… » Comment peut-il renchérir avec tant d’assurance ? Qui est-il ? Étudiante en philosophie dans une université de Cocody, je n’arrive plus à me concentrer sur mes cahiers, obsédée que je suis par Joël. Mes camarades du campus, constatant que je démarre financièrement depuis un certain temps, croient toutes que j’ai cédé aux avances d’un gourou, alors qu’il n’en est rien. Je garde mon secret pour moi, dont vous êtes la seule personne à le savoir : je suis entretenue par un fou, sans contrepartie. En revanche, je me sens tellement redevable, vous ne pouvez l’imaginer !

Joël Tanoh a continué de me donner de l’argent, à plusieurs autres reprises, sans toutefois s’ouvrir à moi comme je le souhaiterais. Puis un midi, à la sortie du campus, j’achète une banane braisée avec de l’arachide. Pendant que je grignote, le papier dans lequel m’a servi la vendeuse, attire mon attention : c’est un morceau de journal dans lequel je reconnais Joël Tanoh, mon fou bienfaiteur du guichet automatique. On le présente sous deux images. Une à gauche, étincellent avec de beaux vêtements, des chaînes au cou, dans un état normal, et l’autre à droite, dans sa tenue de fou. Avec mes gros yeux, je lis cet article écrit par le journaliste LCB qui m’est tombé dessus de façon providentielle, comme si je tiens mon bulletin de passage en année supérieure :

« Joël Tanoh, qui se faisait appelé dans le milieu de la nuit, Jojo Euro pétrodollar, est atteint de démence, comme nous vous le disions il y a plusieurs mois. C’est dommage pour un boucantier qui a beaucoup donné de son argent aux DJ les plus en vogue de notre pays. Celui pour qui les travaillements à outrance n’avaient pas de secret, aurait, selon son entourage, enfreint une restriction donnée par son marabout, lors de sa signature de pacte pour se faire de l’argent dans le broutage. C’est une triste fin pour un cybercriminel et à la fois une leçon de morale pour tous ses jeunes frères en quête de gain facile : l’argent mal acquis ne profite jamais. Par ailleurs, il nous revient aussi de façon récurrente que l’ex-brouteur devenu toc-toc continue de faire les travaillements malgré son état de folie, grâce à sa carte magnétique toujours garnie. Les informations que nous avons à notre portée et révélées par ses amis brouteurs, soutiennent que les bénéficiaires de la charité de Jojo le fou ne seront pas sans subir des conséquences désastreuses. Il se dit que certaines personnes qui ont goûté de son argent ou de sa charité sont devenus fous au bout de plusieurs semaines. C’est l’occasion d’inviter les populations à la prudence afin qu’elles ne se laissent pas avoir par les appâts maléfiques de Joël Tanoh alias Jojo Euro Pétrodollar… »

Le morceau de journal en main, je lis l’article en boucle en ayant l’impression de devenir folle. J’ai bien saisi le message ahurissant du journaliste mais toujours est-il que je me sens amoureuse de Joël avec cette sensation d’être assignée à un rôle essentiel dans sa vie…

Louis-César BANCÉ

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