Samedi 25 décembre. Jour de Noël. Adjoua sortit de chez elle avec sa cuvette de pains et de pots de beurre. Avec sa ribambelle d’enfants à nourrir, elle n’avait pas droit au repos, même en temps de fête. Trois salauds lui avaient fait des enfants en prenant la tangente, après lui avoir menti au sujet de leur bonne foi et de leur sincérité en amour.

La pauvre mère célibataire parcourut les rues d’Adjamé, dans l’espoir de se faire une bonne clientèle. Mais en ce jour de Noël, les clients semblaient vraiment rares. On dirait tout le monde avait le ventre plein…

Adjoua se promena longtemps en ne parvenant qu’à vendre un seul pain. Que pourrait-elle faire avec 100 francs quand à la maison les greniers étaient vides ? Elle avait besoin d’une recette de 1000 francs, au moins, avant de rejoindre ses rejetons pour qui elle représentait à la fois un père et une mère : c’est en de pareilles circonstances que le pronom iel pourrait avoir de la valeur et un sens qui vaille. Je suis pour son adoption par l’Académie française, à condition qu’il serve à déterminer la vaillante femme mère-père.

Désespérée et épuisée par le poids de sa cuvette, Adjoua se fit interpeller à un carrefour par un monsieur habillé dans les attributs du père Noël. Elle déposa sa charge et écouta son client tout de rouge vêtu :

• «Madame, j’ai vraiment honte de vous solliciter. Je n’ai pas mangé depuis le matin en plus de n’avoir même pas un kopeck. Pourriez-vous me donner un pain à me mettre sous la dent ?»
• «Un père Noël mendiant ? ! s’exclama la vendeuse de pains toute surprise. D’habitude c’est vous qui faites les cadeaux, non ? »
• «Ayez pitié, madame. Les pauvres pères Noël, ça existe. »

-«Je ne suis qu’une pauvre dame ayant à sa charge six enfants abandonnés par leurs pères. Ce n’est pas facile pour moi, surtout que ma journée a été infructueuse. Mais pas grave, je ne pourrais vous laisser dans la faim. Au lieu d’un pain, je vous en offre deux. Vous les préférez avec du beurre LCB ou blueband ?»

• «J’aime le beurre LCB, répondit le père Noël en tournant la langue autour de la bouche. »

Quand la vendeuse finit de servir gracieusement le « père Noël mendiant » et qu’elle voulut s’en aller, il l’intercepta par le coude en lui demandant de décliner son identité à l’État civil.

• «Kouakou Adjoua Marguerite, se présenta-t-elle.» Aussitôt, le père Noël coupa un papier d’un carnet à souche sortie de sa poche, et prenant appui sur une table, il écrivit, signa, puis tendit le papier à la gentille vendeuse en lui disant : «Faites un tour à la banque pour encaisser cet argent, c’est votre cadeau de Noël. Et surtout, ne laissez jamais éteindre l’âme lumineuse que vous avez. Soyez toujours quelqu’un de bien, c’est à cette condition que nous pourrions construire un monde solidaire et prospère… »

Le père Noël disparut sans laisser le temps à la commerçante de placer le moindre mot. Celle-ci, voyant le montant du chèque, croyait à une blague, une plaisanterie de mauvais goût. À la banque pourtant, on lui décaissa effectivement la somme de 10 millions de francs CFA ! Elle n’en croyait pas ses yeux…

• «Madame, s’adressa-t-elle à la caissière, je n’ai pas prêté du tout attention au titulaire du chèque. Je peux savoir qui c’est ? »
• «C’est Didier Drogba, lui répondit-on.»

Or le père Noël, déguisé en costume rouge bordé de blanc et en longue barbe blanche factice, qui lui demanda du pain en ce jour de Noël, était la légende du football mondial ! La bouche ouverte, Kouakou Adjoua n’en revenait pas du miracle qui venait de se produire dans sa vie. Elle déménagea avec ses enfants et investit dans des activités juteuses
qui garantirent à ses gosses et elle, une vie paisible et heureuse. Les pères de ses enfants
revinrent chacun la supplier en espérant reprendre la relation avec elle…

Louis-César BANCÉ