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LE TÉMOIGNAGE D’UN PRO-GBAGBO EN PÉRIODE DE CRISE POST-ÉLECTORALE

LE TÉMOIGNAGE D’UN PRO-GBAGBO EN PÉRIODE DE CRISE POST-ÉLECTORALE

Un proche m’a raconté au cours de la soirée d’hier, 25 février 2022, ses souvenirs de la crise post-électorale. Nous étions moins d’une dizaine de personnes dans un restaurant de Treichville, un endroit fréquenté par d’illustres personnalités, parmi lesquelles des élus municipaux et des directeurs administratifs. Dans une ambiance bon enfant, l’on y converse de tous les sujets, y compris de la politique.

Pendant les causeries, un ex-FRCI, portant un prénom nordiste, volontairement démobilisé et reconverti dans les affaires, racontait combien de fois les FRCI avaient été braves au cours des combats jusqu’à réussir héroïquement l’arrestation de Laurent Gbagbo. En face de lui, il y a eu un pro-Gbagbo, originaire d’Adzopé, qui lui a répondu avec véhémence en donnant quelques fois des « côcôtas » à sa table comme un juge le ferait avec son marteau sur son estrade en salle d’audience :

  • «Vous n’avez jamais été braves ! C’est la France qui a fait tout pour vous. Je suis un témoin oculaire de l’histoire. J’habitais Cocody, et quand les balles pleuvaient, il me fallait quitter la zone devenue trop dangereuse. Le portail de Gbagbo était de couleur verte, et c’est l’armée française qui l’a ouverte pour vous !»
  • «Jamais ! C’est nous-mêmes qui avons fait le job ! Nous étions de vaillants soldats déterminés…»

Nous écoutions l’ex-FRCI et le pro-Gbagbo se disputer, pardon, discuter avec une témérité et une rage à faire trembler les quatre côtés du mur. Parfois, les anecdotes qu’ils racontaient emportaient tous les occupants du restau dans un fou rire. Le pro-Gbagbo a par exemple expliqué comment il a fui Cocody, son lieu d’habitation, pour se rendre dans son village, en terre Attié :

  • «C’était le 10 avril 2011. Les combats faisaient rage. Et c’est là que moi j’ai décidé de partir. J’ai pris ma voiture, j’ai démarré. Les rues étaient désertes, effrayantes, et les armes crépitaient. Pendant que je conduisais, je faisais une prière pour que la victoire soit du côté de Gbagbo. Je savais que ce n’était pas évident, avec les bombardements de sa résidence, mais j’avais quand même une petite foi. C’était terrible. Je conduisais dans la panique. Aujourd’hui encore je revois les images, et je me rends compte qu’on aurait pu me rafaler sans que ça n’aille quelque part. Parce que civil que j’étais, automobiliste, je devrais être une intrigue pour les militaires, méfiants. Quel risque, j’ai pris là ! J’ai vu des cadavres jonchés les routes. En chemin, j’ai été bloqué par un contingent de rebelles…»
  • «Non, ce n’était pas des rebelles, c’était les FRCI, a riposté l’ancien soldat, laissant le pro-Gbagbo poursuivre son récit. »
  • «Rebelles ou FRCI, c’est comme tu veux, mais je l’ai ai rencontrés. Au début je ne savais pas de quel camp il s’agissait, parce que je devais me comporter en fonction de ça, pour ma survie. On m’a fait descendre de mon véhicule. Était-ce des militaires fidèles à Gbagbo ou ceux venus pour le déloger ? Ils étaient aux aguets, menaçants. J’ai prêté rapidement attention à ce qu’ils disaient. Ils parlaient dioula, se disant que j’avais l’air d’être un gars de Gbagbo et qu’ils en étaient même persuadés. Aussitôt, j’ai réagi en me mettant à crier sur eux : « Vous avez quel problème, vous ? Depuis on vous attend pour aller déloger type-là, et vous, vous êtes en train de raconter que je suis avec lui. Sabari, aya kèh djonan-djonan a yéta Gbagbo minin ! »

En m’entendant parler ainsi, les soldats se sont mis à rire en se disant : « C’est notre gars. Il est avec nous ! »
Ils m’ont demandé où je voulais aller, et pourquoi j’avais pris tant de risques en sortant maintenant. Je leur ai dit que j’avais faim. Ils m’ont autorisé à partir. J’ai conduit jusqu’à Abobo. À Abobo, j’ai eu la surprise de ma vie. J’ai vu des gens qui étaient dans des maquis, en train de boire et de faire la fête, comme si nous étions dans un pays normal. Nous étions le 10 avril 2011, en pleine crise post-électorale, je vous dis ! En fait, j’ai compris que c’était des soldats qui faisaient le show, comme si de rien n’était dans ce pays. J’ai été interrogé par des hommes armés, en plein Abobo, et là je n’ai pas hésité à les sermonner quand ils s’interrogeaient en langue à mon sujet : « Orrrh, faites vite vous allez prendre le monsieur-là pour libérer le pays ! Depuis on compte sur vous-là ! A ya kêh djonan-djonan ayé ta Gbagbo minan !… »

Rassurés que j’étais des leurs, les soldats m’ont laissé partir. Moi le pro-Gbagbo, j’ai traversé tout Abobo avec mon véhicule jusqu’à arriver chez moi, en terre Attié, en continuant de prier pour que mon président adoré sorte victorieux des combats. En pays Attié, mes parents, supporters du Woudi, jubilaient, car les informations à leur portée disaient que Gbagbo avait réussi à neutraliser l’ennemi et à prendre l’ascendance. J’ai dû les informer qu’en réalité, les nouvelles n’étaient pas bonnes et que ça m’étonnerait qu’il tienne encore jusqu’au lendemain. Toutefois, je continuais de prier pour lui dans une réalité dure à supporter…

Louis-César BANCÉ

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