Le ministre d’État, Hamed Bakayoko, arrive à l’espace Kennedy à Abobo, là où les jeunes riverains se retrouvent pour jouer au football. Un petit monde à cet endroit à l’occasion d’une rencontre prévue avec le détenteur du portefeuille de la défense. Un jeune homme, couvert de poudre blanche et vêtu d’un costume de fortune, exécute des pas de danse traditionnelle pour souhaiter l’akwaba au membre du gouvernement.

Le ministre prend la parole, et s’entretient avec l’assemblée. Un homme en béquilles se tient devant la foule. Vu son état, plusieurs fois, des gens dans sa sphère lui recommandent de s’assoir. La personne en situation de handicap refuse et préfère se tenir debout :

• Je vous dis que je ne m’assois pas, y a quoi ? Laissez-moi ! tranche-t-il les aisselles en appui sur ses supports en fer et le regard concentré sur le ministre dont la voix résonne au micro.

Quand Hambak a fini son speech, c’est le moment pour lui de demander la route :

• Je vais demander la moitié du chemin, afin de pouvoir revenir un autre jour. Mais vous savez, quand je viens quelque part, je ne m’en retourne jamais sans faire de cadeau. Quand je suis arrivé au terrain, il y a un jeune homme qui m’a accueilli en dansant. Où il est ? Il a mis de la poudre partout là…

Le danseur sort du public et débarque devant le ministre, escorté par des gardes du corps. Hambak lui tend une enveloppe :

• Voici 500.000 francs pour toi. J’espère que ça t’aidera d’une certaine façon…

C’est tout joyeux que le bénéficiaire retourne avec son cadeau, les mains dirigées vers le ciel, comme pour dire,  »y a Dieu dedans ». Le ministre offre ensuite une enveloppe du même montant à Véronique, une vieille femme assise non loin de lui. Elle est tellement heureuse qu’elle déploie un pagne au sol en demandant à son bienfaiteur de le traverser…
Hambak refuse, disant qu’elle n’a pas besoin de faire ça. La maman insiste à un tel point qu’il obéit. Il marche sur le pagne sous les ovations du public et les bénédictions de la vieille : « C’est symbolique, mon fils. Pour te dire merci et te bénir. Ce geste du pagne, on le fait dans ma tradition… »

Après la récompense de la vieille femme, le ministre d’État reprend la parole :

• Pendant que je faisais mon discours, j’ai remarqué cet infirme. Il est resté debout durant tout le temps de mon allocution. Il ne s’est pas assis, malgré son état, et ça ne m’est pas passé inaperçu. Non que je souhaitais qu’il se tienne debout, mais son courage est tout de même interpellant. Je vais m’enquérir de son état de santé et le prendre dès cet instant en charge…

L’infirme est invité à s’approcher du ministre. Il empoche lui aussi tout joyeusement la somme de 500.000 francs. En venant sur le terrain Kennedy où ont lieu des matchs de football, il n’a pas imaginé qu’il s’en irait de là ce soir avec autant d’argent…

( L’histoire s’est réellement passée à Abobo, au terrain Kennedy. J’ai tenu à l’écrire surtout à cause du cas de l’infirme qui m’a particulièrement touché. Souvent, nous devons écouter la voix de notre cœur et non celles des autres qui nous demandent de nous assoir tant bien même que nous tenons grâce à une béquille… Car la voix qui nous parle est précurseuse de miracle !)

Louis-César BANCÉ