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MON PREMIER DAHICO EN TANT QUE JEUNE FILLE

MON PREMIER DAHICO EN TANT QUE JEUNE FILLE

  Jusqu’à mes 16 ans, je fus toujours une fille sage. Car issue d’une famille chrétienne, mes parents avaient réussi à inculquer à leurs enfants des valeurs éducatives de premier ordre. La prière, la sobriété, le respect, le travail, la politesse, étaient au cœur de notre quotidien. C’était tout à notre avantage car gare à l’enfant qui enfreignait les règles de conduite établies par papa. Le « kobo » le frappait copieusement comme s’il avait à faire à un délinquant de l’extérieur plutôt qu’à son propre rejeton.

  Je n’étais jamais sortie du quartier. Quand je n’étais pas à l’école située à dix minutes de marche de la maison, je me trouvais à l’église.

  Un soir, mes amies m’invitèrent à sortir. Je tenais absolument à y aller car il y avait des mecs du quartier qui devaient se joindre à nous. J’avais marre de rester prisonnière d’une bulle. J’étouffais, voulant humer un autre air, découvrir d’autres espaces, vivre un peu. La nuit, je fis croire à papa que je dormais déjà dans ma chambre, et m’échappai par la fenêtre. Me voici dehors, habillée pour la première fois en minijupe sexy, moi la p’tite fille à qui papa n’avait acheté que des robes paysannes. Mes amies et moi nous rendîmes dans un maquis situé à Williamsville alors que nous habitions la montée des Deux Plateaux. L’ambiance était folle dans le maquis, avec des gens qui dansaient comme des fous au son d’une musique de fou. Nous étions quatre charmantes filles accompagnées de quatre beaux jeunes garçons. Celui qui me tenait compagnie n’était pas mal. À 22 ans, il était déjà grand et musclé comme mon père. C’était l’une de mes amies qui l’avait branché à moi. Il m’appelait «Mon cœur» tandis que je prenais plaisir à l’appeler «Bébé.» Ça me rendait si femme, si adulte !
     
Au passage de la serveuse pour prendre le tour de table, comme mes amies commandèrent la bière, j’en fis autant, refusant d’être leur intrus, moi qui ne consommais pourtant que fanta, moka ou coka. Les mecs prirent quant à eux deux bouteilles de vin valpièrre. Ce fut la première fois de porter l’alcool à mes lèvres. Ça n’avait pas bon goût, surtout avec cette vilaine mousse qui faisait penser à du savon. Mais je buvais comme si c’était bon, mélangeant quelques fois ma bière à un peu de vin sous proposition de Mon bébé. Puis, au bout d’un moment, je commençai à parler beaucoup trop. Je me levais pour danser au dessus de ma chaise tout en racontant n’importe quoi. Moi la timide qui ne savais pas danser, je faisais tout ça ! Tellement je chauffais le coin, je me souviens avoir entendu une telle phrase de la bouche d’une amie : « Marie, on ne te reconnait pas là ! C’est toi qui fais notre show actuellement. Non, tu déchires grave ! Vas-y, faut tuer faut tuer !»

Encouragée de ce que mes amies tiraient de l’enthousiasme de mes divagations, j’enchainai les gorgées de bière à un rythme vertigineux, histoire de me rendre plus intéressante. Oulala ! Une migraine comme une fièvre typhoïde s’empara de moi. Je voyais flou autour. Je faillis tomber et mes amies me recueillirent. Ça n’allait plus. Je ne pouvais plus m’asseoir à fortiori tenir debout. Je voulais seulement me coucher, n’importe où, même à terre, sous les chaises. Et il fallait que je m’étende immédiatement. Devenue un fardeau pour la bande, elle m’entraina dehors, à un kiosque où on me donna du café noir sans sucre, pour soit disant, chasser l’effet de l’ivresse. Rien n’y fit. Ils étaient toujours obligés de me tenir, sans quoi, je tomberais.

  – «Marie, donne vite le numéro de ton papa on va l’appeler faut pas devenir problème dans notre main oooooh, proposa l’une de mes camarades. »

Inconsciente et de manière automatiquo-réflexe, je donnai le numéro de papa pendant que j’entendis Mon bébé se plaindre :

– «Laissez son kobo en dehors de ça, elle ne peut pas rentrer avec cet état, vous aussi ! Il faut qu’on l’épargne du courroux de ses parents. Laissez-la moi, je vais l’emmener à l’hôtel, et la protéger là-bas, prendre soin d’elle. Demain elle pourra rentrer.»

  – «Oui mon cœur, emmène-moi à l’hôtel, dis-je, somnolante. Je te préfère à mon père ! »

   Pendant que je les entendais se disputer sur ma personne, beuuuuuuuuuuk !

  Après des vomissements, j’étais carrément à terre, tournant sur moi comme une épileptique. On me versa de l’eau dessus. Au bout d’un moment, je sentis qu’on me soulevait. Ça y est, je quittais la terre, je volais, au dessus de la pesanteur. Que dis-je ? Non, c’était plutôt Mon bébé qui m’avait soulevée. Qu’il était fort ! Il m’engouffra dans une voiture :

– «Tu m’emmènes à l’hôtel, bébé ? Lui demandai-je en le serrant fort contre moi, cherchant ses lèvres pour l’embrasser alors que j’avais les yeux fermés. »
         
Il ne répondit pas. Mais je supposais que nous y allions. Puis la voiture gara devant une maison. Le garçon me fit descendre. Il me souleva encore par dessus son épaule et nous y entrâmes. J’étais pris de vertige mais je reconnus ma maison. C’était chez moi, au domicile de papa… Donc ce monsieur qui m’avait soulevée depuis le maquis ? Que j’avais appelé bébé dans la voiture, à qui j’avais dit vouloir aller à l’hôtel, que j’ai même essayé d’embrasser… C’était ? Ne me dites pas que c’était papa ?
      
Plouf ! On m’avait jetée sur un lit.

Le matin quand je me réveillai, sale et degueulasse dans ma minijupe, je me demandais bien ce qui m’était arrivé. Pourquoi je sentais aussi mauvais, avec ces vomissures asséchées par dessus moi ? J’avais un trou de mémoire. Soudain je regardai vers la porte. Elle était entrouverte, et par la fente, j’aperçus papa caressant sa chicotte depuis le salon comme s’il l’aiguisait. Cette image suffit à me ramener en vrac tous mes souvenirs de la veille. Policier de fonction, papa avait une chicotte assez particulière : une matraque ! Bon Dieu, le kobo avait patienté, tenant à ce que je devienne lucide pour s’engager au front d’attaque😢… Car dans sa maison, il y avait une bandite de grand chemin…

Louis-César BANCÉ

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