Elle claque la porte derrière moi et s’en va avec ses fesses qui dansent le ziglibity dans sa jupe moulante. Je m’étends un peu sur le lit et cogite : « Walaye, cet hôtel-là est plus propre et luxueux que l’hôtel ivoire ! »

J’attends la gérante pendant des heures dans ma chambre. Comme elle ne s’emmène pas, je pars la retrouver au comptoir pour en avoir des nouvelles au sujet de notre contrat.

– «Patientez un peu Luc-Cédrick, me rassure-t-elle. C’est moi qui vous ai promis de tutoyer votre pontife. Ça se fera, le temps que mon remplaçant arrive. Tiens, le voici !»

Substituée par un garçon, la gérante est prête à me suivre dans mon enclos. Mais avant, elle me propose :

– «Ça vous dit, qu’on prenne un verre, avant de passer aux choses sérieuses ?»

– «Vous avez un bar ici ?»

– «Non. Mais des boissons au comptoir, qu’on pourra consommer dans votre chambre. »

– «Ça me va. »

– «Alors vous prenez quoi ?»

– «Une bonne bière glacée.»

– «Pareil pour moi. »

– «Je vous trouve dans votre chambre…»

– «D’accord. »

La belle gérante et moi sommes autour de ma petite table, près de mon lit. Nous sirotons. Elle m’apprend qu’elle s’appelle Véronique Kpandotchin. Nous bavardons, et je pense au moment où elle s’occupera de ma culotte. Bientôt, elle me demande de régler la facture :

– «Les deux bières font 6000 francs. »

Six mille balles pour des bouteilles qui coûtent normalement 1000 francs ! J’avale ma stupéfaction et lui donne l’argent, en grand gentleman.
– «Une seconde, je vais à la caisse et reviens.»

J’attends Véronique pendant 5 minutes. Couché sur le lit, je m’imagine en train de passer du bon temps. Puis, comme un enfant, je ne sais plus à quel moment je m’endors.

Il est 6 heures quand je me réveille tout étourdi. Et ma pipe ? 😭 Je me précipite au comptoir et demande au gérant où est sa collègue.

– «Elle est rentrée chez elle dès 5 heures 30, me répond-t-il. »

– «Oulàlà ! Pourtant je dois rentrer sur Abidjan aujourd’hui. Elle reprend le service quand ?»

– «Ce soir, à 18 heures. »

Je décide de rester à l’hôtel pour attendre Véronique. Je paie encore un additif pour le prolongement de mon séjour. Mais le soir, la gérante ne s’emmène pas. On me dit qu’elle a eu des problèmes familiaux et qu’elle sera là bientôt. Je patiente trois jours, mais rien. Pendant ce temps, je traîne comme un oisif, payant inutilement mon hébergement dans la chambre délabrée. Plusieurs fois, je tente de la joindre au téléphone via le numéro qu’a bien voulu me donner son collègue. Véronique est enjoignable. Le quatrième jour, les administrateurs de l’hôtel m’apprennent une terrible nouvelle : « Véronique vient de perdre sa mère. Elle est donc partie au Burkina Faso, où vivait la défunte, pour prendre part aux funérailles, dans la ville de Bobo Dioulasso. » Ils lui ont fait savoir que j’ai fait le sacrifice de l’attendre longtemps et que ce serait gentil qu’elle me communique son numéro du pays de l’ex Haute Volta. Elle m’a joint un matin, m’annonçant qu’elle est effectivement à Bobo Dioulasso :

– «Tu me permets de te tutoyer ? Je suis vraiment touchée par ton attachement à ma personne, a-t-elle ajouté. Tu es vraiment chou. Mais comme tu le sais, j’ai perdu ma mère la nuit-même de ton arrivée dans mon hôtel. Je n’ai pas oublié ce que je t’ai promis…»

– «Mes condoléances, Véro. Si tu veux bien, je viens te voir au Burkina ?»

– «Tu ferais cela ? »

– «Que ne ferais-je pas pour toi ?»

– «J’ai hâte de te voir. J’adore ta folie !»

– «Alors attends-moi, je démarre maintenant !»

J’ai parcouru plus de 400 kilomètres, partant de Katiola, au volant de ma Audi, afin de rejoindre Véronique. Je ne peux pas vous dire les vraies raisons qui m’ont poussé à voyager aussi loin, pour une fille que je connais à peine. Laissez-moi vous convaincre que c’est pour partager sa douleur, et prendre part aux obsèques de sa mère. Ou bien, vous pensez que c’est pour une pipe ? 😭

Louis-César BANCÉ