Dj Croussa-Croussa n’avait pas du tout une voix exceptionnelle. Cependant, s’il était aimé du public, c’était à cause de ses belles chorégraphies. Ses danseurs et lui, toujours dans l’innovation, étaient les Michael-Jackson du couper-décaler.

La page Facebook de Dj Croussa-Croussa affichait les trois millions d’abonnés. Depuis des années qu’il y publiait des vidéos de ses tournées, les internautes l’assiégeaient de commentaires aussi bien élogieux que défavorables. Parmi ses pourfendeurs, un certain ZOMBIE-ZOMBIE s’était fait remarquer par ses interventions coriaces. Il ne passait pas par quatre chemins pour dénigrer l’artiste de la sorte :

« Dj Croussa-Croussa, reste-là à te laisser flatter par tes soit-disant fans qui, au lieu de te dire la vérité sur ta nullité, préfèrent te caresser dans le sens du poil au point où tu deviens imbu de ta personne. Tu ferais mieux de prendre des cours de chant. Regarde autour de toi, parmi tes amis artistes, et tu sauras ce que c’est, un véritable chanteur. Tu es le Dj le plus nul de ta génération. Ta voix de casserole qui donne des démangeaisons à toute personne ayant une vraie oreille musicale, ne mérite pas d’être écoutée…»

Les commentaires de ZOMBIE-ZOMBIE, récurrents, stimulaient l’artiste dans ses efforts à s’améliorer dans la chanson.

• Tu sais quoi, Croussa-Croussa ? lui disait son manager, à chaque artiste ses qualités. Laisse-moi répondre à ce ZOMBIE-ZOMBIE qui vient tout le temps jeter du discrédit sur ton mur.

Et le manager, fidèle à son artiste depuis une décennie, s’en allait le défendre sur les réseaux-sociaux…

Il arrivait aussi que ZOMBIE-ZOMBIE, le détracteur du chanteur Croussa-Croussa, fît des interventions n’ayant rien à voir avec la musique de ce dernier : « On sait tous par quel chemin tu es passé pour atteindre ta prétendue richesse. Ce n’est pas en donnant ton derrière à une autorité du pays ? »

À la lecture d’un tel commentaire, l’artiste s’en attrapait la tête, se confiant à son manager :

• Facebook est vraiment fou, quoi ! Figure-toi que ZOMBIE-ZOMBIE a encore frappé. Dans un commentaire, il m’accuse d’homosexualité et que ce serait la raison de ma réussite. Tu sais pourtant comment nous avons souffert dans la dignité pour en arriver là. Dans la tête de l’Africain, il n’y a pas de richesse propre, c’est ça ?
• Laisse ces commentateurs débiles, réagissait le manager profondément navré, ils n’ont rien à faire de leur journée alors ils ne peuvent que se mettre à raconter des âneries. *

Un jour, de retour d’un concert de l’intérieur du pays, la voiture de Dj Croussa-Croussa fit un grave accident sur l’autoroute. L’artiste, qui s’en sortit heureusement dans un état moins critique au contraire de son manager, alerta les pompiers. On les transporta à l’hôpital le plus proche. Au chevet de son acolyte inconscient sur un lit en salle d’urgence, Croussa-Croussa, interpellé par les médecins, trouva aussi nécessaire d’informer les parents du blessé du drame qui était survenu. L’artiste composa le numéro de la sœur de ce dernier, la seule de sa famille avec qui il était en contact. Injoignable.

Le manager avait toujours des poches à fermeture Éclair où il mettait son téléphone. Dj Croussa-Croussa débusqua le portable de son ami à l’écran fissuré. Pour déverrouiller l’empreinte digitale, l’index inerte du blessé sur le bouton de déverrouillage et le tour était joué. L’artiste défila dans le répertoire du téléphone de son manager, et en butant sur le contact PAPA, lança immédiatement l’appel :

• Allô mon fils comment tu vas ?
• Papa, ce n’est pas Ange, c’est Croussa-Croussa. Nous avons été victimes d’un accident. Ange est aux urgences, mais je m’occupe de tout. Les médecins sont là pour faire le nécessaire. Priez pour que tout se passe bien…

Après la conversation, les notifications Facebook se mirent à retentir sans cesse du téléphone du manager. Le pouce de Croussa-Croussa cliqua de façon accidentelle sur l’une d’entre elles et aussitôt, la page Facebook s’ouvrit. Le regard de l’artiste fut tout de suite aimanté par le profil s’affichant à l’angle gauche : la photo, le nom de ce Facebookeur…
Dj Croussa-Croussa, les yeux fronçés, n’en croyait pas du tout. Il parcourut la page sous ses yeux pour en avoir le cœur net. Le résultat était incontestable : il tenait entre les mains le téléphone de ZOMBIE-ZOMBIE, l’internaute qui lui envoyait sans cesse des piques à travers ses commentaires… Or donc, il s’agissait d’un faux profil ! Ange son manager, son plus fidèle ami et allié, était celui-là même qui se cachait derrière cette fausse identité pour lui cracher son venin, le diffamant en le traitant d’homosexuel…

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Combien sont-ils sur Facebook à agir ainsi autour de vous ? À vous sourire avec leurs dents blanches tout en vous lançant des pierres derrière leurs cagoules ? En vérité, Facebook n’est pas différent de la vraie vie. On y trouve énormément d’hypocrites, de mesquins et de psychopathes. Les fausses identités y sont très détendues dans leurs injures en commentaires. Et le plus souvent, sans que nous nous en doutions, ce sont nos proches qui, relax derrière des masques, nous jettent toutes sortes de chiures…

Louis-César BANCÉ