Je suis ce matin dans les locaux du palais de justice de Ouagadougou. Les procès, prévus pour se dérouler dans la salle 1 dès 8 heures, ont vu l’arrivée des magistrats à 9 heures moins avant que ces derniers, aussitôt installés, ne mettent fin à une audience qui n’a même pas encore débuté : « La séance est suspendue ! »

       Il a fallu plus de deux heures avant que les hommes à la toge ne se ramènent sur leur estrade pour que débutent enfin les hostilités. Enfin, peut-on parler vraiment d’hostilités d’autant plus qu’on est assis dans la salle, sans assister encore à aucun procès. Le président du jury, faisant la liste de présence de la soixantaine de prévenus assis dans le box des accusés, n’en finit pas avec la prononciation des noms et leurs chefs d’accusations :

« Compaoré Seydou, prévenu de vol…

Ouédraogo Moussa, prévenu d’abus de confiance

Affaire Tiemtoré Ousmane contre le procureur du Faso

Ky Bernabé, prévenu de viol… »

   Il faut donc dire le nom de tous les prévenus avant l’entame des jugements ? Entre temps, de vieux dossiers sont brièvement abordés en intervalles et mis en renvoi ! Des renvois, que des renvois dans des affaires où les prévenus sont détenus en prison pendant de longs mois ! Quand connaîtront-ils le dénouement des procédures ?

        Au Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, c’est le grand amateurisme ! On perd le temps des plaignants, des prévenus et aussi du public ! Le mode de fonctionnement des jugements est à revoir, à rénover !

        Au Tribunal de Ouagadougou, la salle des audiences n’offre aucune aisance : des bancs troués et cassés, des fenêtres abîmées, des murs sales occupés de toute part par des toiles d’araignée, aucune des 54 ampoules du plafond ne fonctionne, et… la plus grande ridiculité, tenez-vous bien, aucune sonorisation dans la salle ! Une salle pourtant deux fois plus grande que celle d’Abidjan !

       Le premier procès débute véritablement peu avant midi. Quand le juge présente l’affaire de trois prevenus et un plaignant présents au parquet pour une escroquerie portant sur QNET, je tombe des nues ! Conscient qu’il s’exprime sans micro, quel est ce juge qui fait l’effort de parler dans sa gorge ? Comme s’il est en conclave avec les quatre garçons, dans un salon privé ! Ses assesseurs qui prennent la parole après lui, ne font pas mieux, de sorte qu’on est dans la salle et on n’entend rien ! Seul le procureur a le mérite d’élever la voix, soucieux de se faire entendre par l’assistance. Le reste, il ne faut pas compter sur eux, même des amoureux se chuchotant dans une chambre ne feront pas mieux.

         Les magistrats ont-ils conscience de l’apport de leurs procès dans la tenue du public en société ? Bien-sûr qu’ils n’en savent rien, sinon ils auraient tenu impérativement à ce que les scènes du parquet soient entendues jusqu’au fond de la salle. Les gens qui assistent à un procès, sont des potentiels prévenus et prisonniers. Ils devraient y prendre part afin d’apprendre de l’erreur des autres, s’en éduquer, apprendre à marcher en société pour éviter de se retrouver à leur tour de l’autre côté du box. Un procès ne devrait donc pas être uniquement une affaire de magistrats, de prévenu et de plaignant. Sinon, autant le faire à huis clos ? Le public est aussi un acteur majeur. Or au palais de Ouagadougou, il est écarté, complètement isolé.

       Au Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, c’est le grand amateurisme et la grande précarité. Je quitte la salle d’audience, profondément déçu alors que doit se tenir une pléthore de procès. À quoi bon puisque je n’entends rien ? On n’entend rien ! J’espère qu’à ma prochaine visite, (si jamais ça se fait ), on aura remédié au moins à la question de la sono avant de toucher aux autres problèmes.

       Snif ! J’y ai fait un tour dans les toilettes avant de partir. J’ai préféré allé pisser dehors !

Louis-César BANCÉ