Yopougon Maroc. Je suis de passage au carrefour Anador quand une jeune fille m’accoste. Vingt cinq ans à peu près, ronde comme une galette, elle a une préoccupation à une soumettre :

• «Bonsoir tonton, je peux vous demander un service s’il vous plait ? » Sa voix a des retentissements d’alarme. Je sens qu’elle est affolée. Cependant, je suis de nature méfiante vis-à-vis de ces interpellations de ces inconnus qu’on rencontre à un coin de rue et qui ne se gênent pas de solliciter des services bizarres. Tout de même, je me montre disposé à écouter mon interlocutrice. Quel service veut-elle que je lui rende ?
• «Tonton, poursuit-elle, c’est urgent, je peux avoir 500 francs avec vous s’il vous plait ? C’est pour acheter vania…» (Serviettes hygiéniques pour menstrues.) Oh, la pauvre petite. Je comprends son angoisse. Les rebelles aux bandanas rouges doivent l’avoir attaquée, par surprise. Je regarde sa tenue. Elle porte une robe noire qui ne laisse rien transparaitre d’intrus… Vite, je fouille dans ma poche, et lui tends un billet de 1000 francs.
• «Merci beaucoup tonton, fait-elle, agitée. Mais où je vais trouver 500 francs pour vous donner ?» Elle regarde les alentours. Je l’observe. Je veux savoir si elle se rendra à la boutique qu’on aperçoit juste à quelques mètres de nous, afin d’acheter son paquet de serviettes hygiéniques. Soudain, elle ouvre son petit porte-monnaie, y plonge deux doigts, et enlève un billet de 500 francs qu’elle me tend :
• «Votre monnaie, tonton, dit-elle d’une voix transfigurée, devenue plus gaie. » Je prends le billet, tout surpris, et la regarde s’en aller en dépassant la boutique. Un jeune homme me tapote sur l’épaule. Je me retourne et il me dit :
• «Mon gars, je vous ai suivis mais j’étais loin. Dommage que je sois arrivé en retard. Je t’aurais donné l’alerte. La fille, elle t’a parlé d’achat de vania, non ? C’est son travail, elle ment. Elle fait ça à tous les passants pour se retrouver en fin de journée avec beaucoup d’argent. C’est une marmailleuse !»

Louis-César BANCÉ