La Justice nigériane avait été sans pitié pour moi, à cause d’une faute que j’étais loin d’avoir commise. Le téléphone étant un luxe au sein de la maison carcérale, Ahouéfa et moi communiquions très rarement. Ni les problèmes que nous traversions, ni la distance, ne pouvaient enfreindre l’amour que nous ressentions l’un pour l’autre et notre foi en un miracle. C’est du moins ce que je croyais jusqu’à ce qu’un jour ma petite amie commençât à se montrer de plus en plus distante et très inaccessible. Une nuit, dans ma cellule, je rêvai que désespérée de ma situation, elle avait fait le choix de convoler avec un autre homme après avoir réussi à se débarrasser de la malédiction de Dagbazounhkounh, son mari. Que pouvait-on lui reprocher alors qu’elle était si jeune et gagnerait à reconstruire sa vie plutôt que de se lier à un condamné à perpétuité ? Pendant que je me lamentais sur mon sort en me considérant comme un mort-vivant, un soir, le Responsable pénitentiaire vint m’ouvrir la porte de ma cellule en m’invitant à le suivre dans son bureau. Pendant que nous marchions, il m’annonça une nouvelle que je pris pour une blague : « Loukou Coffi, Dieu est merveilleux, à partir de maintenant, tu pourrais choisir de ne plus dormir ici. »

-Comment ça ? m’empressai-je de le questionner.

-Tu croyais être libre ? me nargua-t-il en ricanant. Ne rêve pas, mon gars. On va te transférer dans la prison la plus horrible du pays ! C’est le sort que méritent tous les narcotrafiquants.

Et quand nous nous introduisîmes dans son bureau, quelle ne fut pas ma surprise d’y voir Ahouéfa. Frissonnant d’émotions, je me jetai dans ses bras pour l’embrasser pendant que le Responsable pénitentiaire parlait dans mon dos avec sa voix de stentor : « Mon gars, je t’ai fait peur tout à l’heure hein, avoue. Tu as une magnifique femme ! Grâce à elle, tu es libre ! Elle a mené des enquêtes depuis l’aéroport où tu as pris ton vol pour Lagos, et en connivence avec la Police, on a pu découvrir comment la cocaïne s’est retrouvée dans ta valise. Les noms des coupables sont connus…»
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Je pris mes effets dans ma cellule en disant aurevoir à Adebayor, mon codétenu. Il était content pour moi en même temps que nous étions tristes pour lui : dans vingt jours aura lieu son exécution par la Justice nigeriane…😭
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Après deux mois d’incarcération, j’étais libre comme un poisson, marchant avec Ahouéfa dans les rues de Lagos. Elle me raconta comment elle se transforma en détective pour démanteler le réseau qui avait introduit de la drogue dans ma valise : le coupable n’était autre que Dagbozounhkouh, son mari, le commanditaire dont des sbires, parmi lesquels des bagagistes aéroportuaires, étaient aux ordres. Elle avait découvert qu’en plus de ses pratiques mystiques, il était un baron intouchable dans le milieu des narcotrafiquants. J’en tombais des nues. Il était prêt à me nuire à ce point !

Ahouéfa m’emmena dans un hôtel de la ville où nous prîmes une chambre. Dans la douche, elle me lava le dos en m’expliquant que son absence téléphonique était due au fait qu’elle menait ses enquêtes, pour ma libération. Elle m’aimait trop pour devoir m’abandonner. D’ailleurs, elle avait envie de moi…

-Tu plaisantes, chérie ! lui lançai-je pendant que nous étions à table. Tu sais bien que mon soldat ne fonctionne plus !

-Je sais. Mais tu pourras te servir de deux de tes doigts, ou même de trois. Ça dépendra de ma capacité de réception…

-Fhum ! Tu oublies Dagbozouhkounh ? Je ne veux pas que ma main reste bloquée à l’intérieur de ton jardin secret, oh…

Louis-César BANCÉ

(À suivre « À la recherche du guérisseur Ayodélé Wakirou »)