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UN PRÉSIDENT TROP FAN DE SON PEUPLEđŸ€§

UN PRÉSIDENT TROP FAN DE SON PEUPLEđŸ€§

Quel chef d’État africain humble ! RĂ©sidant d’un quartier populaire oĂč il s’est familiarisĂ© avec une plĂ©thore de co-rĂ©sidents, le Premier citoyen du pays qu’il est devenu, n’a pas souhaitĂ© dĂ©mĂ©nagĂ© quand il a accĂ©dĂ© Ă  la magistrature suprĂȘme.

-Monsieur le PrĂ©sident, vous n’ĂȘtes plus l’étudiant d’il y a quarante ans, voyons ! a insistĂ© son protocole. Nous savons que ce quartier vous rappelle vos annĂ©es universitaires, vos galĂšres de jeunesse ainsi que vos moments libertins, mais vous devez absolument vous Ă©tablir Ă  la rĂ©sidence du chef de l’État, au sein du palais, et construite spĂ©cialement pour ce poste qui est aujourd’hui le vĂŽtre ! Laissez ces quartiers populaires aux Opposants et veuillez vous installer Ă  la rĂ©sidence qui vous revient de droit.

La rĂ©sidence rĂ©guliĂšre du chef de l’État, un endroit complĂštement isolĂ© du reste de la ville, et assiĂ©gĂ©e de camps militaires. Pour les tenants du pouvoir, c’était l’emplacement idoine, idĂ©al, pour une meilleure garantie de la sĂ©curitĂ© physique du Premier citoyen du pays. Tous les PrĂ©sidents antĂ©rieurs y ont sĂ©journĂ©, sauf Luc Cyriaque BakĂŽrĂŽni, qui tenait Ă  s’éterniser dans le ghetto qui l’a vu grandir, ghetto oĂč il a allumĂ© mille et une petites gos malgrĂ© son statut d’homme mariĂ©. Et, lui, PrĂ©sident, continuait Ă  frĂ©quenter les petits maquis de son quartier, mangeant de la viande braisĂ©e et buvant de la biĂšre avec les riverains en leur donnant les raisons de sa sĂ©dentarisation :

-En restant avec vous, je suis dans le peuple ! J’aime humĂ© votre rĂ©alitĂ©, m’imprĂ©gner de votre quotidien, pour ĂȘtre toujours en synergie avec vous afin de mieux rĂ©pondre Ă  vos attentes. Je vous aime tellement que je ne peux vous quitter


-Mais monsieur, depuis que vous ĂȘtes devenu PrĂ©sident, il y a des barricades partout dans notre quartier ! a renchĂ©ri une riveraine qui Ă©tait Ă  sa deuxiĂšme biĂšre. Lorsque nous voulons rejoindre notre propre demeure, que des contrĂŽles au quotidien, comme si nous Ă©tions suspectĂ©s de terrorisme, dans notre propre citĂ© ! Nous mettons parfois des heures pour parcourir quelques mĂštres, du carrefour du quartier Ă  notre maison. C’est Ă©cƓurant, monsieur le PrĂ©sident !

-Si on contrĂŽle vos identitĂ©s, c’est parce que je suis le PrĂ©sident ! Vous devriez vous sentir honorĂ©s de m’avoir avec vous. Serveur, donnez-lui deux casiers de biĂšre LCB !

De deux bouteilles, la riveraine se retrouva avec trois bacs, souriant de sa bouche agomphe et bĂ©nissant le PrĂ©sident pour sa gĂ©nĂ©rositĂ© lĂ©gendaire. La mĂȘme nuit, il eut une attaque, sans trop grand dĂ©ferlement de tirs, et Luc Ciriaque BakĂŽrĂŽni fut cueilli dans sa chambre par des putschistes mĂ©ticuleux au millimĂštre prĂšs : en lançant l’assaut pour piocher le PrĂ©sident, ils ne voulaient pas commettre d’impair au sein d’une population Ă  proximitĂ© avec la rĂ©sidence privĂ©e du chef de l’État. En faisant une telle bĂ©vue, ils se seraient mis Ă  dos la fameuse communautĂ© internationale. Il fallait prĂ©server l’intĂ©gritĂ© physique des civils.

EncagĂ©s dans un camp militaire en mĂȘme temps que son chef d’État-Major, Luc Ciriaque BakĂŽrĂŽni, l’ex-PrĂ©sident de la RĂ©publique DĂ©mocratique Africaine, murmura Ă  l’oreille de son ex-subordonnĂ© :

-Tu me harcelais pour que j’aille vivre au palais, un endroit oĂč il n’y a mĂȘme pas Ăąme qui vive. Tu crois que si j’étais lĂ -bas je serais actuellement en vie ? Ces bandits, sur la base que je suis isolĂ©, m’auraient arrosĂ© comme un chien ! Je te le dis, ce pays est un sale pays depuis des lustres ! Un pays qui dĂ©tient la palme d’Or en coups d’État ! En venant au pouvoir, j’avais en tĂȘte, sans cesse de me demander Ă  quel moment viendrait mon tour de  »Îte-toi que je m’y mette » ! Et ce tour est venu
 Au moins il s’est fait sans grande effusion de sang. Tu sais pourquoi ? Justement parce que je vivais au sein de la population qui me servait en quelque sorte de bouclier humain !

-Prési !

-Oui mon ex-chef d’État-major ?

-T’es un sacrĂ© salaud intelligent, le makosso de la politique africaine !đŸ˜źđŸ€§

Louis-CĂ©sar BANCÉ

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