C’était la période des examens. Élisabeth, élève en classe de Terminale, se rendait dans son centre pour affronter les épreuves de français. Ayant été médiocre en classe, elle m’avait avoué ne compter que sur la fraude pour espérer décrocher le baccalauréat. Elle comptait sur moi pour rédiger sa dissertation. Elle devait me communiquer le sujet par WhatsApp, et je devais lui ramener ma rédaction par le même canal.

Le jour des épreuves, je reçus son message : « Salut papa, je suis en salle d’examen. Tout se passe bien. Comme convenu, les surveillants que nous avons corrompus nous permettent de manipuler nos téléphones. Voici le sujet de dissertation qu’on vient de nous soumettre : « L’habit fait-il le moine ? Argumentez. »
S’il te plaît, traite ça pour moi « chap-chap ». Je compte sur ton efficacité papa.»

Vous avez certainement dû entrevoir qu’Élisabeth et moi avions une liaison. Le nom de caresse qu’elle m’attribuait était papa. Mais au moment où elle me demandait ce service, je venais de me réveiller auprès de ma deuxième go, Katy, avec qui j’avais passé la nuit. Contrairement à Élisabeth qui était plus qu’un cancre en classe, Katy était très douée. Après le baccalauréat qu’elle a obtenu l’an passé avec mention très bien en français, elle s’était inscrite en faculté de Lettres Modernes et continuait de confirmer tout le bien qu’on savait d’elle.

Élisabeth avait besoin de moi, mais j’étais tellement éreinté que je proposai à Katy de me relayer à la rédaction, non sans lui parler avec astuce :

-Chérie, tu peux me rendre un service s’il te plaît ? Mon neveu, actuellement en salle d’examen pour le Bac, demande que je traite sa dissertation. Le sujet est très simple, et le voici : L’HABIT FAIT-IL LE MOINE ? ARGUMENTEZ. Les élèves de maintenant sont tellement nuls qu’on ne peut que les aider de cette façon pas très noble. Je ne suis pas fier de moi en le faisant, mais bon, le monde d’aujourd’hui fonctionne comme ça, hein. Ne sont-ce pas les voleurs qui nous gouvernent et les rebelles qui assurent notre sécurité, pendant que les derniers de la classe voyagent aujourd’hui en première classe à l’opposé des premiers qui n’ont jamais foulé un tarmac ? Bref, tu vas composer pour mon neveu ?

Katy accepta ma requête à ma grande joie. En moins de 2 heures, pendant que je me reposais, elle acheva l’exercice. Quelle étudiante douée ! Elle était plus qu’un génie.

Nous envoyâmes sa rédaction à l’adresse WhatsApp d’Élisabeth dont j’avais pris le soin de modifier le prénom en mettant Élie Neveu. Ensuite nous convînmes d’effacer le devoir quelques minutes plus tard pour ne pas laisser de trace dans mon téléphone. Elie Neveu me répondit par la suite en me remerciant chaleureusement pour ma brillante dissertation. Nous savons de qui nous parlons. Entre nous, nous nous comprenons…

À l’annonce des résultats du baccalauréat, Élisabeth ne fut pas admise. Mais le hic c’est qu’elle devint la star nationale du baccalauréat ! Étrange, non ? Quel contraste ! En réalité, elle avait obtenu sa moyenne dans toutes les disciplines, sauf en français. D’ailleurs, ses notes générales largement au dessus de 12 faisaient normalement d’elle, une admise. Le diplôme lui a été simplement retiré après une enquête de la Direction des examens et concours. En effet, le professeur de Lettres anonyme qui avait corrigé la copie d’Élisabeth, avait publié le devoir de la jeune fille sur Facebook tellement il en avait été choqué. L’indignation nationale qu’entraîna cette publication était digne de la stupidité de la candidate :

« Notre école se meurt, avait commencé par annoncer le professeur correcteur au dessus de la copie photographiée. Chers internautes, appreciez vous-mêmes le devoir d’une élève de Terminale sur le sujet « L’HABIT FAIT-IL LE MOINE ? ARGUMENTEZ ».

Introduction :

L’habit est un mo françè composé de 25 syllabes. Dans habit, il y a ha, une interjection qui montre que le vêteman est qlqe choz qui étonne, qui surpran les regards à tel point qu’on peut dire ha quand qelq1 est bien habillé comme ho qd il est très mal vêtu…

Développement :

Parlon maintenant de moine. Moine est un mot dérivé de moineau. Le moineau est un oiseau. Or l’oiso a des plumes. Le plumage chez les volailles fait penser à l’habit chez les hommes. Si Dieu a vêtu les volailles avec les plumes, il a tout simpleman voulu diro hommes de fair de l’habit un moine. À ce sujet, l’artiste et philosophe S-kelly dit ceci et je cite : «Je suis l’oiseau rare, l’homme à la machette.» S-Kelly nous invite à bien nous habiller comme des oiseaux à défaut de subir la machette qui est l’inconsidération des gens dans la vie…

Conclusion :

Si tu t’habilles bien on va te dire ha. Si tu t’habilles mal on va te dire ho. Exemple : Parmi les hommes politiques ivoiriens, entre Duncan et Thierry Tanoh, y a qelq1 à qui on doit dire ha et un autre ho ! Celui qui mérite le ho mérite aussi la machette de S-kelly. À bon entendeur, salut ! »

Ce fut la première fois dans l’histoire du pays qu’un élève obtenait : -20/20. Dans la case rectangulaire de l’observation, le correcteur avait écrit : « ÉLÈVE À DÉFÉRER ! »

Élisabeth, très remontée après moi, m’avait sermonné, griffé, giflé, en disant que je lui avait envoyé sciemment cette dissertation boueuse.

-Que t’ai-je fait papa pour avoir mérité autant de méchanceté de ta part ? Moi qui ai cru avoir rédigé le meilleur devoir parce que mon mec que tu es, est professeur ! Tu aurais dû me dire que tu ne voulais pas coopérer au lieu de m’envoyer des brouillaminis et des conneries… J’ai échoué par ta faute…

Élisabeth pleurait en continuant à me frapper. Je pensais à ma Katy, l’horrible coup qu’elle nous avait joué. Celle-ci m’avait révélé être depuis, au courant de ma liaison avec Élisabeth et avoir ri silencieusement lorsque j’ai voulu lui faire croire en l’existence d’un neveu imaginaire. Elle avait sauté sur l’occasion pour servir des salades à sa rivale. Et c’était bien gagné, puisqu’elle avait fait d’elle, la star nationale du baccalauréat. Après les réseaux-sociaux, on parla encore d’Élisabeth au journal télévisé de 20 heures.

Des coups rudes pleuvaient sur mon dos, sur ma tête, partout sur mon corps, toutes les fois que je voyais Élisabeth. Elle m’en voulait vraiment à mort. Comment lui dire que c’était sa rivale dont elle ne connaissait pas l’existence qui avait exécuté ce travail minutieusement et artistiquement bâclé ? Excédé par ses remontrances, je finis par craquer :

-Écoute, tu vas arrêter de me frapper ? Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même ! En lisant le devoir, comment as-tu pu le copier sans y déceler son cataclysme ? Comment as-tu pu valider un tel déchet toxique sans que cela ne t’interpelle, avec les nombreuses coquilles, abréviations et galimatias qu’il comporte ? Tu es quel genre d’élève ? Cancre, à mourir ! D’ailleurs, tu justifies malheureusement si bien ton nom : Élisa… BÊTE !

Louis-César BANCÉ

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