Je quitte Ouagadougou le samedi 24 Juillet, à 6 heures du mat’. Après treize heures de trajet, je suis de l’autre côté de la frontière, en territoire ivoirien, sur la voie menant à Ferkéssedougou où j’ai le malheur d’avoir un pneu crevé et irrécupérable. Il est 20 heures moins, mais l’isolement et l’obscurité de la zone broussailleuse donne l’impression qu’il est minuit. Je conduis malgré la crevaison jusqu’à m’immobiliser à un barrage policier, rassuré. Les hommes en tenue ne perdre pas de temps et procèdent au contrôle des pièces de mon véhicule.
- «J’ai un pneu foutu, leur dis-je après leur coup d’œil sur mes papiers. Je vais introduire le pneu secours à la place de l’autre…»
Pendant que je procède assez difficilement à la substitution de la roue à cause d’un cric archaïque, l’un des éléments de la police descend de son véhicule et vient me prêter main forte. Non seulement il me fait de l’éclairage, mais il s’accroupit à côté de moi pour m’aider à changer de pneu en commençant par ôter les boulons. Médusé par la gentillesse du corps habillé qui s’est transformé en mécanicien pour secourir un voyageur en difficulté, quand nous finissons notre manœuvre, je le remercie en lui demandant d’où lui vient sa philanthropie. Il a répondu que ce n’est pas que sur la route qu’il se rend utile pour les autres. Il le fait tout le temps, dans son quotidien, et il tient cela d’une époque datant même avant son entrée à l’école de Police :
« J’ai été CVAV à Attécoubé, a-t-il dit. Et au CVAV, on nous a appris beaucoup de choses comme l’amour du prochain, la serviabilité en tout temps. La police n’a été que la continuité de ce que le mouvement CVAV a inculqué en moi comme valeurs depuis ma tendre enfance. Ça été des moments de bonheur dont je resterai pour toujours nostalgique… »
Je fais savoir au policier, qui répond au nom de CM, que moi aussi j’ai été CVAV, à Saint Kizito de Williamsville. Nous nous sourions et parlons du mouvement Cœur vaillant, de ce qu’il a été par le passé, et cette ferveur qu’il a perdue aujourd’hui. Avant de démarrer mon véhicule et continuer ma route, je m’avance vers les herbes pour faire pleurer mon colosse. En même temps, je me mets à chanter l’hymme des CVAV en regardant l’éclat des lucioles :
« Debout l’avenir nous appelle
Nous ferons fleurir la paix
Nous sommes la sève nouvelle
Dans un monde qui renaît… »
Au deuxième couplet, j’entends le policier me rejoindre, fredonnant avec moi dans mon dos :
« Tous unis c’est notre devise
Dans les beaux jours
Et dans la nuit,
Pas de haine qui paralyse
Unis, toujours, amis. »
TOUS, UNIS
TOUS, FRÈRES
À CŒURS VAILLANTS ÂMES VAILLANTESLouis-César BANCÉ